Appel à participation: Colloque « Les Droits Culturels : Définitions, Enjeux et Perspectives »

La reconnaissance des droits culturels est le fruit d’un long processus qui favorise aujourd’hui l’affirmation de l’importance de la diversité culturelle pour l’humanité à travers la prise en compte de la richesse des connaissances et des biens symboliques des communautés locales. Cette reconnaissance permet aussi d’alerter sur les risques d’homogénéisation dans le cadre de la conception libérale et universaliste de la culture qui a dominé au moment de l’élaboration des premiers instruments des droits de l’Homme.

L’émergence de cette notion pose ainsi un certain nombre de défis dont un premier est lié à la conception même de la culture ; celle-ci diffère, en effet, selon que l’on se situe au niveau de l’Etat, de l’individu ou des groupes, qu’ils soient majoritaires ou minoritaires. Un second défi se rapporte aux spécificités ou particularismes des communautés qui peuvent elles-mêmes s’en servir comme argument afin d’asseoir leur domination sur d’autres groupes ou d’initier un processus de reconnaissance et d’émancipation. Un troisième challenge a trait à l’appropriation effective par les communautés de leur diversité (linguistique, de valeurs, de croyances et de savoirs) dans différents domaines de leur vie et la création des conditions objectives de son maintien et de sa transmission. Pour bien cerner les différentes questions que posent les droits culturels, ce colloque propose trois axes de réflexion :


Le premier axe concerne l’examen des différentes théories et définitions des droits culturels. Il est à rappeler que ces derniers sont souvent associés aux droits sociaux et économiques et sont fondés sur une conception plutôt minimaliste liée au droit d’accès à l'éducation, à la participation à la vie culturelle et au progrès scientifique et à la jouissance des bienfaits qui en résultent. Mais la généralisation de ces droits aux cultures de certains groupes catégoriels ou particuliers a souvent posé problème et génère des discussions entre les différentes parties. Les questions soulevées peuvent se présenter ainsi :

 

  • Quelles sont les approches théoriques sur lesquelles repose la notion de « droits culturels » ? et quelles sont les tensions qui les traversent ?

  • Si des définitions ont déjà été proposées pour préciser les caractéristiques de ces droits, quelles sont les implications de ces différentes définitions et quelle a été leur genèse ? 

  • Peut-on concilier les principes structurant la vision dominante à propos des « droits culturels » avec les revendications et les plaidoyers des groupes minorés et des catégories particulières ?

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Le deuxième axe interroge le cadre normatif qui régit les droits culturels ainsi que les différentes expériences internationales de leur prise en compte. Dans ce sens, les contributions peuvent aborder la philosophie et les logiques des textes fondateurs (la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, le Pacte sur les Droits Civils et Politiques et le Pacte sur les Droits Economiques Sociaux et Culturels, etc.), les apports de certains travaux d'inspiration proposés par les acteurs de la société et des intellectuels (la Déclaration de Fribourg 2007, la Déclaration de Barcelone 1996) et les jurisprudences des groupes de travail onusiens ainsi que les expériences des organismes intergouvernementaux. A titre d’exemple, l’action accomplie au niveau de l’UNESCO avec, entre autres, l’adoption, en 2001, de la déclaration sur la diversité culturelle suivie, en 2005, de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, représente une avancée pour les droits culturels et pour la participation et l'accès de toute personne à la vie culturelle. Cependant, les processus de négociation entre Etats ainsi que les conflits avec les autres règlements internationaux notamment commerciaux semblent  poser problème. Les questions  auxquelles ce second axe tentera de répondre sont notamment:

 

  • Comment ont été mis en place les différents pactes, conventions ou protocoles qui prennent en compte les droits culturels ? Quels sont les enjeux que comportent ces instruments juridiques? Comment peut-on évaluer leur efficacité en termes de protection des droits culturels ?

  • Plusieurs pays et régions ont pris des initiatives en matière de sauvegarde et de promotion de la diversité culturelle et de défense des droits culturels. Quelles leçons peut-on tirer de ces expériences ? Au-delà du rôle de l’Etat et des politiques publiques qu’il déploie, comment s’organisent les communautés locales pour défendre leur culture et leurs droits culturels dans différents contextes ?

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C’est pour mieux mettre en exergue cette dernière question que le troisième axe est consacré à l’expérience marocaine. Il vise ainsi à renseigner sur les thèmes et les interrogations qui préoccupent la société et la  communauté scientifique marocaines dans le domaine de la mise en œuvre des « droits culturels » et de la promotion de la diversité culturelle au Maroc.

La constitutionnalisation, en 2011, de l’amazighe en tant que langue officielle et la prise en compte de la diversité des expressions culturelles représentent un acquis et une avancée importante pour la mise en place des instruments juridiques et institutionnels dédiés à la promotion des droits culturels au Maroc. La mise en œuvre de ces droits nécessite, entre autres, l’intervention de l’Etat pour les préserver via des politiques publiques adéquates, ainsi que par l’amélioration et l’accélération de l’adoption des deux projets de lois organiques (26.16 relatif à la mise en œuvre du caractère officiel de l’amazighe et 04.16 portant sur la création du Conseil National des Langues et de la Culture Marocaine).

 

  • Que recouvrent exactement les « droits culturels » au Maroc ? Qui est chargé aujourd’hui de mettre en œuvre des politiques publiques visant à les promouvoir ?

  • Quelles sont les mesures prises ou en projet visant à encourager le bilinguisme officiel  et la diversité culturelle au Maroc ?

  • Quel est le rôle de la société civile dans la promotion des droits culturels au Maroc ?

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Telles sont les principales questions auxquelles nous essaierons de répondre dans cet axe.

Par les réflexions et les interrogations qui seront certainement soulevées et formulées, ce colloque a pour ambition de contribuer à la mise en exergue de la complexité de tout propos sur les droits culturels d’autant plus que les instruments élaborés au tout début du processus privilégient souvent les intérêts des cultures nationales des Etats souverains. L’IRCAM, institution qui organise cette rencontre, est elle-même chargée de la promotion de la langue et de la culture amazighes. Ces dernières ont été, pendant des décennies, ignorées au Maroc et en Afrique du Nord, sous l’effet de la conception dominante, et ne commencent à être reconnues qu’après un long processus d’affirmation et de revendication identitaires.


Calendrier :

 

  • Les propositions de communications (écrites dans les langues du colloque (amazighe, français, arabe ou anglais)) accompagnées d’un résumé de 300 mots, de 3 à 5 références bibliographiques et d’un C.V. synthétique d’une page devront être envoyées avant le 27 juillet 2018 à : dcircam1@gmail.com

  • Le Comité scientifique examinera ces propositions et notifiera l’acceptation avant le 15 septembre 2018.

  • Lieu et date de tenue du colloque : Rabat, 10-11 décembre 2018.

 

Comité scientifique :

 

  • Aboulkacem El Khatir, Directeur du Centre des Etudes Anthropologiques et Sociologiques à l’IRCAM, Rabat.

  • Bennoune Karima, Rapporteuse spéciale dans le domaine des droits culturels 
    OHCHR, Genève, Suisse. 

  • Bortolotto Chiara, Anthropologue, dirige le projet UNESCO Frictions: heritage-making across global governance.

  • Boukous Ahmed, Recteur de l’Institut Royal de la Culture Amazighe.

  • Chraibi Mohammed, Professeur de l’Enseignement Supérieur à Université Mohammed I, Oujda. 

  • Crawhall Nigel, Head of the Small Islands and Indigenous Knowledge Section, Division of Science Policy and Capacity-Building, Natural Sciences Sector (SC/PCB/SII), UNESCO.

  • Elmoumni Nadir, Professeur de droit constitutionnel à l'Université Mohammed V et membre la Cour Constitutionnelle.

  • Hendili Karim, Responsabe du Programme Culture, Bureau Multipays de l’UNESCO pour le Maroc, l’Algérie, la Mauritanie et la Tunisie.

  • Jlok Mustapha, Conseil National des Droits de l’Homme.

  • Mahjoub El Haiba, Délégué Interministériel aux Droits de l'Homme.

  • Meyer-Bisch Patrice, philosophe, coordonnateur de l’Institut Interdisciplinaire d’Ethique et des Droits de l’Homme (IIEDH), Université de Fribourg (Suisse).

  • Nakashima Douglas, Point focal de l'UNESCO pour les peuples autochtones et responsable du centre « Local and Indigenous Knowledge Systems ».

  • Sedjari Ali, Professeur de l’Enseignement Supérieur en sciences politiques à l'Université Mohammed V.


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Comité d’organisation de l’IRCAM :

 

  • Aassid Ahmed

  • Aboulkacem El Khatir

  • Aguenaou Fatima

  • Amouzay Lahoucine

  • Bouhjar Aïcha

  • Khalafi Abdeslem

  • Lemghari Bouchra

  • Mouryf Ali

  • Oubenal Mohamed

  • Ouzine Aïcha


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