L'Institut Royal de la Culture Amazighe: une institution citoyenne au service de l’amazighite

Réponse à l’article publié dans « Le Journal Hebdomadaire » intitulé :
« L’IRCAM en perte de substance »

Depuis quelque temps, une certaine presse, dont Le Journal, n°250 du 8 au 14 avril 2006 sous la plume de M. Omar Brouksy, pratique la désinformation à l’endroit de l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) par des informations erronées et des jugements tendancieux. Ayant une haute idée de la noble mission des médias en général, l’IRCAM estime de son devoir de rétablir la vérité en livrant des informations objectives sur ses réalisations, son mode de gouvernance et sur son rapport au champ politique. Notre souhait aurait été de voir l’auteur de l’article participer aux points de presse organisés par l’IRCAM dans le cadre de sa politique de communication ou au moins s’enquérir auprès du Rectorat afin de recueillir de plus amples informations.

Un premier bilan ou les performances de l’IRCAM

En l’espace de trois années d’exercice, l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) a contribué à réaliser un ensemble d’objectifs stratégiques et d’objectifs opérationnels, en complémentarité avec la classe politique, la société civile, les chercheurs et les intellectuels engagés dans le processus de démocratisation et de modernisation de l’Etat et des institutions.

Parmi les objectifs stratégiques les plus saillants, il convient de noter la réhabilitation de l’amazighité, la revitalisation de la langue et de la culture amazighes et l’inscription de l’amazighité dans le champ politique et culturel. Quant aux objectifs opérationnels, ils concernent l’introduction de l’amazighe dans l’enseignement et à son élargissement, l’intégration de l’amazighe dans les chaînes télévisuelles, le renforcement de la culture amazighe dans le paysage national et la défense des droits culturels et linguistiques amazighes. Dans le domaine de l’enseignement, les statistiques du Ministère de l’Education indiquent que l’enseignement de l’amazighe progresse en termes de nombre d’écoles et de niveaux ; cet enseignement est dispensé dans plus de 1900 écoles réparties à travers le royaume avec plus de 175.000 enseignants. Les équipes pédagogiques de l’IRCAM ont réalisé les manuels, les guides de l’enseignant et d’autres supports pédagogiques; elles ont formé des centaines d’inspecteurs, des dizaines d’encadrants et des milliers d’enseignants.

Dans le domaine des médias, le cahier des charges de la SNRT impose aux chaînes de TV de réserver une part importante de la production et de la diffusion aux programmes en amazighe. C’est ainsi que les téléspectateurs enregistrent des progrès appréciables quant à la présence de l’amazighe. Il est évident que les chaînes peuvent faire plus et mieux. Il est non moins évident que les promoteurs, les réalisateurs et les scénaristes doivent faire l’effort d’être plus performants. Par ailleurs, l’IRCAM pratique une politique d’encouragement des ressources humaines engagées dans la réhabilitation de l’amazighe. C’est ainsi qu’il entretient des relations de partenariat avec plus de 100 associations en leur apportant une contribution financière de l’ordre de 3.000.000 de dirhams/an; il décerne des prix destinés à l’encouragement des artistes, des écrivains, des traducteurs et des chercheur avec une enveloppe budgétaire de l’ordre de 2.000.000 de dirhams/an; il participe aussi au développement de la recherche avec plus de 200 contrats à la date du 31 décembre 2005, ce qui représente des engagements d’environ 6.000.000 de dirhams. Enfin, dans le cadre de la stratégie de développement humain dans laquelle s’est engagé notre pays, l’IRCAM prévoit pour 2006 un budget de 2.000.000 de dirhams pour venir en aide aux élèves ruraux les plus démunis. L’IRCAM a produit en trois ans plus d’ouvrages qu’il n’a été publié sur l’amazighe au Maroc depuis l’indépendance. Quant à la bibliothèque, elle a bénéficié d’un budget engagé de l’ordre de 3.500.000 dirhams depuis 2003; dans le nouveau siège, ce sera un centre de référence en matière de documentation sur les études amazighes avec des ressources humaines qualifiées, une logistique et un équipement appropriés. Enfin, depuis 2003, le budget consacré à la formation interne et externe du personnel chercheur est de l’ordre de 2.000.000 dh.

Le budget de l’IRCAM est ainsi employé de façon rigoureuse au service de l’amazighité, le disponible est reporté régulièrement sur l’exercice suivant pour l’exécution du programme complémentaire comportant notamment le suivi de l’enseignement de l’amazighe, la communication externe, le système d’information et les besoins en ressources humaines et en équipement du nouveau siège. Il est donc faux que la moitié du budget est rendue à la source comme il est écrit dans l’article calomniateur.

La gouvernance de l’IRCAM ou la leçon de démocratie

Sur le plan de la gouvernance, le Conseil d’administration dresse les orientations générales relatives à la politique de l’IRCAM et donne les directives et les recommandations à même de permettre une gestion saine et rationnelle de l’IRCAM. Le Rectorat est chargé de gérer l’institution à la lumière de ses orientations et de ses directives dans le cadre du respect de la législation et des procédures en vigueur. Le mode de gestion adopté est fondé sur l’éthique, la performance et le management de proximité, l’éthique dans la gestion des ressources humaines et des ressources financières, la performance pour ce qui concerne l’accomplissement des plans d’action et la proximité pour ce qui est de la communication interne. Concernant la validation éthique, l’IRCAM est soumis à des audits et à des contrôles degestion; pour ce qui est de la performance, l’obligation de résultat est constatée régulièrement par le Conseil d’administration en session ordinaire.

Afin de corriger ce qui est parfois écrit, il faut préciser que les membres du Conseil d’administration ne sont pas désignés de façon arbitraire, les candidatures font l’objet de discussion et de vote en session du Conseil. Conformément aux dispositions du dahir qui crée et organise l’IRCAM, la liste des membres pressentis est d’abord établie par le Recteur sur la base de larges consultations internes et externes, ensuite cette liste est soumise à la commission des nominations composée de membres élus qui la discutent et, en cas d’assentiment de la commission, cette liste fait l’objet d’un débat à l’assemblée plénière du Conseil et enfin les candidatures retenues sont soumise à l’approbation de Sa Majesté le Roi. Ainsi les membres du Conseil sont-ils sélectionnés en fonction de leurs compétences et de la plus-value qu’ils peuvent apporter à l’IRCAM, puis élus démocratiquement.

L’IRCAM et la substance du politique

Enfin, pour lever les confusions entretenues sur la fonction politique de l’IRCAM, il faut souligner que cette institution a un rôle consultatif, à la demande de Sa Majesté, sur les questions en rapport avec la culture amazighe. A ce titre, le Conseil d’administration a eu l’occasion de soumettre à Sa Majesté son avis sur la question de la graphie, sur la protection juridique des droits linguistiques et culturels amazighes et sur les modalités de la constitutionnalisation de l’amazighe. De même, l’IRCAM collabore avec les institutions gouvernementales pour concrétiser les mesures appropriées au rayonnement de la culture amazighe dans les différents domaines. Aucun témoin objectif ne peut nier les avancées réalisées dans ces différents domaines depuis la création de l’IRCAM. Aucun optimiste béat ne peut non plus nier que subsistent des problèmes, des blocages et des résistances. Dans le but d’aplanir ces difficultés, l’IRCAM n’a de cesse de saisir les départements gouvernementaux compétents à travers les structures créées à cet effet, à savoir les commissions mixtes. A ce sujet, il faut dire qu’au plus haut niveau, ces départements ont maintes fois affirmé leur volonté d’enrayer les entraves qui freinent le processus, et l’IRCAM n’a d’autre choix que de poursuivre son travail et son combat au quotidien car nous refusons de baisser les bras. Il faut rendre hommage au dévouement de la majorité du personnel administratif et du personnel chercheur, sans distinction de catégorie.

L’IRCAM, sans être ni une organisation politique ni une composante de la société civile, assume pleinement ses responsabilités dans les limites de ses compétences et en toute indépendance. En cela son statut est comparable à celui de l’IER, du CCDH, de la HACA et de l’Institution Diwan Al-Madhalim. Vouloir l’enliser dans des manœuvres politiciennes sur des questions qui ne relèvent pas de son ressort, c’est faire preuve d’un manque de clairvoyance et c’est verser dans la confusion des rôles.

Les perspectives ou la confiance dans l’avenir

Pour le Maroc, la reconnaissance de l’amazighité comme dimension fondamentale de l’identité nationale est un choix stratégique, de même que le processus de reconnaissance et de revalorisation de l’amazighe est irréversible. Néanmoins, le rythme, l’ampleur et la qualité des avancées sont tributaires de la volonté politique de l’Etat et de la classe politique, du degré d’implication des élites et de maturité et de conscience de la société civile, et du degré de professionnalisme des médias. S’opposer à ce choix et entraver ce processus, soit par conservatisme soit par négativisme, c’est s’inscrire sciemment ou non contre le mouvement de démocratisation et de modernisation du Maroc.

Ahmed Boukouss
Recteur de l’IRCAM