Appel à contribution de la revue de l'IRCAM : Asinag N° 18

Dossier thématique:
L’onomastique amazighe

L’onomastique, ou l’étude des noms propres, en termes d’étymologie, de genèse et d’usages diachronique et synchronique, est un vaste champ caractérisé par la transversalité. Son appréhension met en relation plusieurs disciplines, dont notamment la linguistique, l’histoire, la géographie et l’anthropologie. L’onomastique est d’une importance capitale pour l’étude des aspects civilisationnels et culturels ayant trait à l’histoire de l’homme, au rapport et à l’interaction de celui-ci avec son environnement. Elle constitue une source essentielle pour la connaissance de l’individu et du groupe, quant à leur identité et à leur enracinement dans un milieu donné. Elle reflète également les valeurs idéelles dans le temps et l’espace où sont nés les noms dont elle traite. C’est à ce titre que l’étude et l’analyse onomastique revêt une pertinence notoire, tant son apport est inestimable pour divers champs de la connaissance.

 

 

Au Maghreb, le domaine de l’onomastique a toujours été un lieu d’interférences linguistiques et culturelles ; en raison notamment des contacts et de la communication avec les peuples du pourtour méditerranéen, et partant avec les langues et civilisations des communautés qui ont depuis longtemps afflué dans l’Afrique du Nord. L’apparition des premiers travaux sur l’onomastique dans les domaines amazighes, produits par des chercheurs étrangers, remonte à la période coloniale. Plus tardivement, et durant les dernières décennies du siècle dernier, il y eut un regain significatif de l’intérêt porté aux études onomastiques par des chercheurs nationaux, universitaires et académiciens de diverses disciplines, telles que les sciences du langage, l’histoire et la géographie. Leurs travaux sont publiés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des pays maghrébins. Toutefois, nonobstant leur nombre limité, et le manquement, pour certains d’entre eux, aux exigences scientifiques, en rigueur, précision et profondeur, il n’en demeure pas moins qu’ils apportent une contribution non négligeable à la stimulation de la recherche dans le vaste champ de l’onomastique. Des groupes de recherche, dédiés à l’étude de l’onomastique en Afrique du Nord ont également été créés au sein des universités et instituts nationaux et internationaux. Ainsi, l’onomastique, en ayant pu tenir sa place dans le champ de la recherche scientifique, constituera, indubitablement, un levier de renforcement et de développement des études linguistiques, historiques et géographiques dans les espaces culturels amazighes.

 

 

On tient l’approche onomastique pour un des éléments fondamentaux dans le traitement de multiples questions historiques. Ainsi, l’historien procède à l’étude de la société dans son rapport au temps, à travers les marques laissées par les humains, qu’elles soient matérielles ou immatérielles. Parmi ces indicateurs et preuves, figure en premier le nom propre, qu’il soit toponyme, ou anthroponyme ou nom de tribu, d’animal ou de plante. C’est que ledit nom propre a dû être créé et répandu par un individu ou un groupe, dans un temps et un espace déterminés. Aussi les dimensions que recèle l’approche onomastique sont-elles en rapport étroit avec les dimensions de la recherche historique :  le temps, l’espace, la société.

 

 

De même, l’onomastique est étroitement liée à la géographie, puisqu’elle englobe la toponymie qui porte sur l’étude des noms des repères naturels et humains. De nombreux toponymes sont inspirés des formes du relief, des phénomènes naturels, des espèces végétales ou du type de climat dominant dans une région à un certain moment. C’est ainsi que la toponymie est appréhendée en tant que fondement incontournable pour la compréhension et l’étude des évolutions géographiques qu’un lieu a connues à travers les âges, ou pour la reconfiguration d’un paysage géographique disparu.

 

Outre ces domaines de connaissance, l’onomastique se trouve liée à d’autres champs disciplinaires tels que l’anthropologie. Les noms propres peuvent constituer des entrées pertinentes pour l’étude de l’organisations sociale d’une tribu ou d’un groupe donnés et aussi pour comprendre la nature de leur environnement géographique. Ils sont également à même de renseigner sur leur mode de vie, sur leurs coutumes et sur leur culture d’une façon générale. De même, en psychologie sociale ou dans la recherche sur l’évolution des mentalités, les chercheurs peuvent tirer meilleur profit des données fournies par l’étude des anthroponymes et des noms de tribus, pour accéder à leur signification et comprendre les raisons de leur attribution, propagation, prévalence, persistance ou disparition, à une période historique donnée.

 

Par ailleurs, l’onomastique est d’une importance avérée pour les études linguistiques ; en l’occurrence pour la description et l’analyse d’une langue, à un moment de son histoire ; en termes d’étymologie, diachronie, lexique, phonétique, grammaire et morphologie ; et également pour l’étude de son évolution à travers les époques. Aussi pour les linguistes, les noms propres sont-ils tels des matériaux archéologiques qui leur permettent le recours aux approches historiques de la sémantique des vocables ou des formes lexicales désuets, relevant d’une époque révolue, ou non utilisés en synchronie dans la variante contemporaine de la même langue.  

 

Dans ce même contexte, le recours aux ressources de la langue amazighe est à même d’élucider certaines énigmes de la géographie historique, jugées obscures ou désespérément inexpliquées. Cela aiderait également les chercheurs à opérer une lecture objective et inférer une interprétation plus juste à un grand nombre de noms propres relevant de l’espace nord-africain. Une telle démarche est la plus indiquée pour élargir le champ de vision du chercheur et rendre son analyse davantage ancrée dans une représentation claire et proche de la réalité historique, sociale et culturelle des espaces amazighes. Par cette approche, il sera en mesure d’appréhender la nature des relations entre faits de langue et phénomènes sociaux. Pour les études linguistiques contemporaines, la recherche onomastique demeure un passage obligé, notamment dans le contexte de la « reconstruction » de la langue ancienne, pour une intelligibilité de certains phénomènes langagiers non encore élucidés. 

 

Les études onomastiques requièrent l’adoption d’une méthodologie ouverte à l’interdisciplinarité et veillant à l’exactitude de la documentation, à la précision des données et versions, et à la qualité de l’enquête de terrain. Le but est ainsi de surmonter les diverses difficultés que pose la signification et les éventuelles règles de transfert de toponymes et d’anthroponymes dans les espaces amazighes ; ce qui permettrait la révision des cartes topographiques pour mieux fixer les toponymes actuels ou abandonnés. La réalisation d’un tel objectif est tributaire d’une réflexion plurielle, permettant une approche méthodique de l’onomastique des espaces amazighes, susceptible de conjuguer les contributions de chercheurs de spécialités et horizons divers.

 

Les contributions attendues s’inscriront dans l’un des axes suivants :

  • L’importance de l’onomastique dans les études humaines et sociales.
  • Les études onomastiques dans les espaces amazighes : bilan et évaluation.
  • Les noms propres et leur évolution dans les domaines amazighes.
  • Les noms propres amazighes : structure, sémantique et aménagement.
  • Les défis de l’onomastique dans le contexte de la mondialisation : documentation et préservation.

 

- Date limite de réception des contributions :  31/12/2021 31/03/2022

- Notification d’acceptation aux auteurs : 31/03/2022  30/05/2022