Appel à contribution de la revue de l'IRCAM : Asinag N° 19

Dossier thématique:
Langue et culture amazighes en contexte migratoire

Les migrations internationales en Afrique du Nord constituent, depuis la fin du XIXe siècle, l’une des caractéristiques majeures des populations sur le plan démographique. Au Maroc, selon les estimations, le nombre de MRE serait, à ce jour, de plus de cinq millions de personnes dont 80% sont installées dans les pays de l’Union européenne. La « diaspora » marocaine est essentiellement originaire des régions (montagneuses) majoritairement amazighophones, à savoir le Rif, le Moyen Atlas, l’Anti-Atlas et la plaine du Souss.

 

Les premiers migrants marocains d’origine amazighe avaient à pâtir de stéréotypes et de la vision réductrice de leur identité. En effet, souvent classés dans la catégorie des migrants appartenant à la communauté arabo-musulmane, la dimension amazighe était soit ignorée ou méconnue, soit confondue voire assimilée ou comprise comme une sous-catégorisation de la culture arabe. Cette confusion et/ou amalgame n’est pas le seul fait de citoyens européens ordinaires ; elle est aussi l’apanage de décideurs, des médias et, de surcroit, de bien des chercheurs spécialistes de la migration. 


Les politiques d’intégration et d’assimilation adoptées par la plupart des pays européens imposaient aux primo-migrants et aux générations suivantes d’adopter la culture dominante dans la société d’accueil. Ces immigrés se sont retrouvés dans une position vulnérable, en raison de la précarité de leur situation et de leur quasi incapacité à s’organiser en tant que composante de la population. Aussi autant de facteurs ont-ils conduit à la marginalisation, voire à la minorisation de leur identité linguistique et culturelle.


Cependant, lors des deux dernières décennies du siècle dernier, une mutation profonde du phénomène migratoire et du profil des candidats à l’immigration allait se produire au sein de la communauté marocaine résidant à l’étranger. En effet, à une migration individuelle essentiellement masculine et ouvrière des années soixante, vient se substituer une migration familiale avec un élargissement de l’éventail des profils, notamment que celui-ci s’est vu étoffer par l’arrivée d’étudiants diplômés, de jeunes cadres, entre autres figures jadis inédites … Le phénomène migratoire devient alors un fait structurel avec l’installation, non plus transitoire, mais définitive de familles entières. Dès lors, cette sédentarisation va favoriser la transmission, en lieu d’immigration, de la culture amazighe, avec sa langue, ses valeurs, ses traditions et ses coutumes.


En outre, l’on assiste à l’émergence d’associations de la société civile, dévolues à la promotion et à la revitalisation de la culture amazighe en diaspora. A cet effet, elles déploient leurs compétences et savoir-faire en procédant, selon leurs moyens, à l’organisation et à l’animation de multiples activités culturelles et artistiques. Leurs domaines de prédilection couvrent tant l’histoire et la civilisation amazighes que les expressions littéraires et artistiques dont théâtre, musique et pratique de coutumes et traditions ancestrales, telles que la célébration du nouvel an amazighe (yennayer). Toutefois, ces actions, étant jugées insuffisantes pour assurer la préservation de la langue amazighe et sa transmission intergénérationnelle, ont poussé de nombreuses associations, notamment en France, en Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne et en Italie, à entreprendre et porter des projets axés sur l’enseignement de la langue amazighe pour adultes et enfants. Au départ, ces expériences d’enseignement de l’amazighe étaient le fait d’initiatives volontaristes isolées ; mais elles se sont progressivement disséminées dans la majorité des pays européens susmentionnés. Il semble que ce regain d’intérêt que traduit la demande manifeste de l’enseignement de l’amazighe se soit visiblement accru après l’officialisation de l’amazighe, aux côtés de l’arabe, dans la nouvelle Constitution du Royaume du Maroc de 2011.


Par ailleurs, il est désormais indéniable, voire évident que l’illustration et la promotion de la diversité culturelle, à l’échelle mondiale, ne peut aboutir, sans une attention conséquente accordée aux représentations véhiculées sur la question migratoire, et plus particulièrement, à la dimension culturelle des migrants, en général, et des Marocains amazighophones en particulier. Or si ces dernières années, il a été apprécié un certain développement qualitatif visant à surmonter les difficultés ressenties sur le terrain en milieu associatif, à travers la sensibilisation des organisations liées à la promotion de la culture amazighe en migration, il n’en demeure pas moins que l’action collective accuse encore une faible coopération et un manque de coordination. Dès lors, certaines associations ont pris l’initiative de coordonner leurs actions et faire converger leurs efforts afin de relever les défis inhibant la réussite des projets portés dans cette perspective.
Il va ainsi sans dire que les enjeux liés à la langue et à la culture amazighes dans le contexte de l’immigration nécessitent encore davantage de recherches dans le domaine des sciences humaines et sociales, et ce d’autant que l’on a vu l’adoption en 2018 du Pacte mondial des migrations (PMM) ou Pacte de Marrakech qui :

  • incite les Etats signataires, dans l’objectif 1, à la collecte et à l’utilisation des données qui serviront à l’élaboration de politiques fondées sur la connaissance des faits migratoires et de leur flux et 
  • les invite, dans l’objectif 16, à pouvoir donner aux migrants et aux sociétés civiles les moyens de réaliser une pleine intégration et une cohésion sociale.

 

Par conséquent, il est tout indiqué, dans ce contexte, de s’interroger sur la place, la fonction et le statut de la langue et de la culture amazighes en contexte de migration.
Afin de contribuer à davantage de réflexion et à l’approfondissement de ces aspects, sont proposés les axes de recherche suivants :

  • les transformations culturelles et linguistiques, dont les questions liées à la communication et à la transmission intergénérationnelle dans les pays d’accueil ;

  • l’impact socioéconomique et/ou culturel dans les pays d’origine et d’accueil ;

  • la production culturelle et artistique d’expression amazighe dans les pays d’accueil ;

  • l’enseignement de la langue amazighe dans les pays d’accueil : opportunités et défis;

  • les dispositifs législatifs et institutionnels mis en place pour la promotion de la langue et de la culture des migrants.

 

Modalités de soumission

  • Le guide de rédaction est disponible [ ICI ].

Echéancier

  • Les contributions, en versions Word ou RTF, seront envoyées, au plus tard, le 31/01/2023, par courrier électronique à asinag@ircam.ma

  • La date limite de soumission est prolongée jusqu’au 31/04/2023.

  • Notification d’acceptation aux auteurs : 31/03/2023  25/07/2023.