Nouvelles découvertes archéologiques à Aghmate

En partenariat avec la Direction du Patrimoine Culturel (Ministère de la Culture), l’Institut Royal de la Culture Amazighe a organisé, le 27 juin 2007, à la salle des réunions de l’IRCAM, une conférence intitulée «Nouvelles découvertes archéologiques à Aghmate», animée par les Professeurs Larbi Erbati, Ronald Messier et Abdallah Fili. Ont pris part à cette manifestation scientifique MM. le Recteur et le Secrétaire Général de l’IRCAM, les Directeurs de centres, les chercheurs de l’Institut, des associatifs et des représentants de la société civile.

 

MM. Larbi Erbati, Ronald Messier et Abdallah Fili

 

L’exposé donné par le Professeur Larbi Erbati s'est arrêté sur l'histoire millénaire de la ville d’Aghmate. Ville fondée par les Amazighes avant la conquête islamique au piémont Haut-Atlas, dans une zone riche en ressources naturelles et caractérisée par la suprématie de la confédération des Masmouda des montagnes. Cette position stratégique, a souligné le conférencier, l'a rendue un passage obligé du commerce transsaharien et un pôle d'attraction des mouvements humains du Nord, du Sud et de l'Est. A l'époque idrisside, Aghmat, appartenait au Royaume Idrisside de Souss avant de devenir, au cours du 10e-11e siècles, la capitale de l'Emirat des Maghrawa. Les Almoravides s'y sont imposés sans difficulté en 1057-58 et la prennent pour leur première capitale. La ville a connu une grande période de faste économique jusqu'à la fin de la période Almohade où les crises de pouvoir et du commerce ont précipité son déclin.

 

Vue de l’assistance

 

Dans son intervention, M. Ronald Messier a précisé que le Hammam d’Aghmate se situe au centre du tissu urbain ancien. Il représente le seul vestige encore debout de cette agglomération. Son plan épouse la forme trapézoïdale constituée de trois salles couvertes d'une voûte en plein cintre. Les dimensions de la salle chaude sont moins grandes par rapport aux deux autres salles. En revanche, sa hauteur sous-plafond est plus importante que celle des autres. Le plan tranche clairement avec les plans de hammams islamiques connus au Maroc et en Al-Andalous, aussi bien à l'époque Almohade (Ksar Es-Saghîr) qu'à l'époque Mérinide. Cependant, il présente des corrélations évidentes avec des hammams andalous du 11e–12e siècles (Jaen, Valence…). En attendant des datations par C14, le sondage effectué à l'intérieur de la structure a permis de rattacher le monument aux 10e-11e siècles.

 

A côté de ses trois salles voûtées, une grande salle de repos est construite selon une parfaite symétrie entre les côtés Est et Ouest et entre le Nord et le Sud. Elle est entourée de banquettes et est totalement construite en briques cuites. Pavée de briques en chevrons, la cour est agrémentée par une vasque octogonale. La tuile est trouvée en nombre dans la couche de destruction de cette partie de l'édifice, ce qui atteste que la toiture de cette salle est une toiture en pente couverte de tuiles rondes.

 

La fouille a permis également de mettre au jour plusieurs éléments du système hydraulique permettant d'alimenter le hammam et une partie de la ville à l'aide de la Seguia Tasoultant Qabîla.

   

Dans son exposé, M. Abdallah FILI a, quant à lui, précisé que l'abandon du hammam a eu lieu vers la fin du 14e siècle pour laisser place à un quartier artisanal occupé par les potiers, les verriers et les métallurgistes. Les céramiques collectées dans le niveau d'abandon sont très caractéristiques de cette époque. Il s'agit notamment des lampes à bec pincé et des petites jarres décorées en cuerda-seca partielle. Des éléments concordant incitent à penser que cette technique est fabriquée localement. C'est une première au Maroc, a affirmé l’intervenant.

 

Les contours d'un grand atelier artisanal sont clairs mais il reste encore à comprendre son évolution historique et son organisation précise.

 

La dernière occupation du site date du 19e-20e siècles. Elle concerne un habitat sis sur les voûtes du hammam et exploitant l'intérieur comme étable et communs.

 

Relativement au projet des fouilles menées à Aghmate, l’intervenant a affirmé que la mission 2007 a souhaité également comprendre le contexte immédiat du hammam en réalisant des prospections magnétiques et par pénétration radar. Les analyses sont en cours.

 

A côté de ce volet archéologique, le projet Aghmat comprend également un volet conservation qui a pour objectif de préserver le site, de le restaurer et de le réhabiliter pour qu'il participe au développement local. Ce long processus a débuté par l'inscription du hammam dans le registre du patrimoine national et surtout par la création de la Fondation Aghmat qui vise à atteindre ces objectifs.