Journée d’étude: Norme linguistique, diffusion et implantation, 24 novembre 2023

Le concept de norme linguistique a largement été discuté dans la littérature. Plusieurs auteurs (Fishman, 1971 ; Rey, 1972 ; Baggioni et Moreau, 1997 ; Simonin, 1996 entre autres) ont tenté de circonscrire ce concept. La plupart des approches théoriques admettent que la norme linguistique ne peut être atteinte si l'on ne conçoit pas le langage comme à la fois une pratique (perçue par le locuteur comme plus au moins prescrite, contrôlée, conforme) du discours et à la fois un discours sur la pratique (capacité à produire dans des circonstances spécifiques des attitudes langagières, des jugements évaluatifs). Une norme linguistique peut être appréhendée selon plusieurs dimensions : objective, subjective et prescriptive. D'un point de vue objectif, elle peut représenter la fréquence d'une forme telle qu'elle est ordinairement utilisée dans une communauté linguistique donnée. D'un point de vue subjectif, elle peut résulter des représentations et des attitudes des usagers de la langue à l'égard des formes langagières. Dans une dimension prescriptive, la norme est l'ensemble des règles normatives à suivre telles que fixées par les aménageurs. 

Il est évident que la nature et le fonctionnement de la norme linguistique se distinguent d’une langue à l’autre. Ainsi, dans les langues de grande diffusion, elle est, dans une large mesure, stable, son évolution étant progressive au cours de l'histoire. Toutefois, pour la promotion et la modernisation de ces langues, la norme se doit d’évoluer. La situation est distincte pour les langues minorées, tel que l’amazighe, où la sélection de la norme implique toute une série de choix et de décisions. Les instances normatives sont tenues d’établir la norme tout en accordant une attention particulière à la structure linguistique de la langue ainsi qu'à d’autres facteurs extralinguistiques. Outre la sélection, il appartient à ces instances de veiller à la diffusion et à l'implantation des formes linguistiques normées. 
Pour le cas précis de la langue amazighe, il convient de signaler qu’au cours des vingt dernières années, sa revitalisation et sa promotion ont connu un essor sans précédent. Des efforts significatifs ont été fournis en la matière. Ils portent en grande partie sur l’aménagement du statut et du corpus. Fait intéressant, le changement qu’a connu le statut de l’amazighe, reconnu comme langue officielle en 2011, s’est traduit par son outillage en ouvrages de grammaire et en lexiques, en d’autres termes, par sa grammatisation. Cependant, l'élaboration de travaux visant la standardisation de la langue amazighe implique en amont une réflexion sur la norme. Une grammaire normative de l'amazighe standard à la fois stable et représentative de l'ensemble des variétés régionales n'est pas une entreprise aisée. Une série de questions se pose lorsqu'on aborde un tel sujet : Qu'est-ce qu'une norme linguistique ? Quels sont les critères de sélection de cette norme ? S’agit-il de La norme ou plutôt d’une norme plurielle ? La norme retenue est-elle représentative des différentes variétés amazighes attestées au Maroc ? D’un point de vue, sociolinguistique, cette norme atteindra-t-elle un degré de réussite satisfaisant ? Quel accueil les utilisateurs amazighes lui réservent-ils ? Quel est le degré de l’appropriation de cette norme par la communauté linguistique ? Ces questions et bien d’autres méritent d’être examinées avant tout engagement dans l’élaboration de la norme linguistique.

Les questions soulevées ci-dessus devraient trouver des réponses, ou au moins être élucidées, à différents niveaux linguistiques (graphie, phonologie, morphologie, syntaxe, lexique et terminologie). L'un des problèmes majeurs auxquels est confronté le linguiste est l’adéquation de la forme à sélectionner parmi les variantes. Fondamentalement, c’est le critère de l’adéquation que la norme doit satisfaire, quel que soit le niveau linguistique considéré. Le choix de la forme linguistique à retenir n’est pas toujours une opération facile. Si chaque variante est conçue comme un ensemble de règles et de contraintes linguistiques qui se comportent de manière différente, alors ériger une forme en norme pour chaque phénomène linguistique peut se révéler difficile. 
Alors que la conformité grammaticale est déterminante dans le choix de la norme, il existe d'autres facteurs tout aussi importants. Il s’agit de l'extension géographique et de sa validité diachronique. En terminologie, d'autres critères prévalent : la fonction communicative et le degré d'utilisation de la terminologie standard dans le discours, l'efficacité et l'efficience de la terminologie comme moyen de transmission des connaissances dans les différents domaines scientifiques, et sa validation sociétale et les attitudes des usagers à l'égard des termes.

Sur le plan de la réception, une norme linguistique peut ne pas satisfaire à la validation sociale et à la légitimité à moins qu'elle ne soit déployée par les utilisateurs de la langue dans les secteurs de l’éducation, des médias, de l’administration, etc. Pour s'assurer qu'une forme standard est bien acceptée par les usagers, deux aspects intimement liés sont à prendre en considération : la diffusion et l’implantation. En effet, selon certaines approches théoriques, ces deux aspects ne doivent pas être considérés comme distincts dans un projet d'aménagement linguistique. Si la diffusion des normes peut constituer une étape à part entière dans le processus de normalisation et d'aménagement, l'implantation, elle, découle du suivi des différentes étapes de l'aménagement linguistique ; de l'élaboration d'une norme aux recherches entreprises préalablement, puis de sa normalisation, à sa diffusion, à son évaluation et à sa modernisation. Une diffusion réussie de la norme implique toute une série d'opérations qui peuvent être énoncées comme suit : la publication de ressources normatives grammaticales et terminologiques de référence, des informations sur la norme linguistique, la sensibilisation des utilisateurs à ces ressources et la communication sur la norme adoptée dans les ouvrages de grammaire et de terminologie. Incontestablement, la diffusion ne doit pas être laissée au hasard ; des efforts sont à déployer pour impliquer les utilisateurs et susciter leur intérêt, ce qui, à son tour, exercera un effet positif sur l'implantation de la norme.

Les efforts fournis en matière de diffusion devraient conduire à l'implantation de la norme linguistique par son utilisation dans l'éducation, les médias, l'administration et les différentes sphères de la vie publique. Néanmoins, force est de constater que l'implantation continue d’être considérée comme une étape finale et passive et non comme une opération que l'instance de planification linguistique peut faire activement en suivant une stratégie où toutes les étapes de l’aménagement linguistique servent l’implantation de la norme. Cela signifie que fournir des listes de normes et espérer qu'elles seront utilisées par des utilisateurs potentiels de la langue n'est pas suffisant pour une implantation effective. La réflexion et la planification stratégique sont indispensables pour le succès de l’implantation de la norme dans les usages. En d’autres termes, le volet implantation se conçoit comme une partie de l'aménagement linguistique. Par conséquent toutes les étapes de la planification linguistique doivent être mises en œuvre de manière réfléchie pour une implantation effective. Le facteur sociolinguistique est d’une importance cruciale dans la mesure où une approche inclusive prenant en compte les attitudes de l'usager contribue à une meilleure implantation. 

C’est pour mieux appréhender la notion de norme en contexte d’aménagement linguistique que le Centre de l'aménagement linguistique de l’IRCAM organise, le 24 novembre 2023, une journée d'étude dont le thème est « norme linguistique, diffusion et implantation ». 
Les contributions attendues s'inscriront dans l'un des axes suivants :
- Fondements théoriques de la norme linguistique ;
- Critères de sélection de la norme linguistique ;
- Rôle des instances normatives dans la régulation de la langue ;
- Norme et usage(s) ;
- Norme et variation ;
- Diffusion de la norme linguistique ;
- Implantation de la norme linguistique ;
- Attitudes et représentations sociales envers la norme linguistique ;
- La norme linguistique dans l’enseignement des langues.

Modalités de soumission

Envoyer le titre de la contribution et le résumé, d’une longueur maximale de 3400 caractères (espaces comprises), aux formats Word et PDF (en Times New Roman 11) à l’adresse suivante : ircam.cal@gmail.com

Format des communications 

Les interventions se feront sous forme d’une présentation orale de 20 minutes, suivie du débat.

Echéancier

- 30 juin 2023 : date limite pour la soumission des titres et résumés
- 24 juillet 2023 : Notification d’acceptation
- 24 novembre 2023 : Journée d’étude
Les langues de communication sont : le français, l’anglais, l’arabe ou l’amazighe.

Comité d’organisation :
Hassan Akioud
Khalid Ansar
Rachid Laabdellaoui

Adresse:
Institut Royal de la Culture Amazighe            
Avenue Allal El Fassi, Madinat Al Irfane, Hay Ryad, B.P. 2055, Rabat, Maroc.
Tél : 0537278400 à 09