Visite de Madame Tendayi Achiume, Rapporteuse spéciale de ONU

L’IRCAM a reçu la visite de Madame Tendayi Achiume, Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, le jeudi 20 décembre 2018. Cette visite s'inscrit dans le cadre de la coopération et de l'interaction permanente du Maroc avec le système des droits de l'Homme des Nations Unies, en particulier les Procédures spéciales du Conseil des droits de l'Homme.

 



Après une présentation générale du contexte de création, des missions et d’une évaluation globale des réalisations de l’IRCAM par le Recteur de l’Institut, Monsieur le Pr. Ahmed Boukous, des exposés succincts présentés par M. le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les membres de la Commission scientifique, Madame la cheffe du Département de Communication et de deux chercheurs,  ont permis de rendre compte des actions menées par l’IRCAM dans ses différents domaines d’activité stratégique, à savoir :

           - La recherche-action en langue et en sciences humaines et sociales ;

           - L’éducation et la formation ;

           - Les nouvelles technologies de l’information ;

           - Les expressions culturelles ;

    - L’ouverture sur son environnement en matière de partenariat (national et international), de coopération avec les associations et de l’organisation du Prix national de la culture amazighe ;

           - L’implantation de la langue et de la culture amazighes dans les médias et,

           - L’édition.

Chaque exposé a également donné lieu à la formulation par l’IRCAM d’un ensemble de recommandations.

1.    Ainsi, les premières recommandations sont de nature juridique et générale.

         1.1.  Application des principes suivants:

                 - le caractère transversal de la question amazighe

                 - non-discrimination entre les langues et les cultures;

                 - égalité entre les deux langues officielles (arabe et amazigh);

             - le partage de la langue et de la culture amazighes par tous les citoyens marocains (quelle que soit leur origine - amazigh, arabe ou juif).

         1.2. Promulgation des lois organiques énoncées à l'article 5 de la Constitution, conformément à l'esprit de la Constitution:

                 - la loi relative à la mise en œuvre de l’officialisation de la langue amazighe;

          - la loi relative à la création du Conseil national des langues et de la culture marocaines (CNLCM).

         1.3. Promulgation de décrets et de textes d'application garantissant ainsi l'efficacité des lois.

         1.4. Capitalisation des acquis de l'Ircam relativement à la langue standard amazighe, le système d'écriture tifinaghe, l'obligation d'enseigner l'amazighe dans tous les cycles du système éducatif.

         1.5. Implantation et implémentation de l'amazighe dans les institutions et les entreprises.

         1.6. Développement et exécution de plans stratégiques et de plans sectoriels visant à promouvoir la langue et la culture amazighes.

         1.7. Fournir des ressources humaines, financières et logistiques pour le développement et la promotion de la langue et de la culture amazighes, dans le cadre de politiques publiques aux niveaux local, régional et national.

2. Dans le domaine de la langue, les recommandations suivantes ont été proposées :

         2.1. La nécessité de soutenir le statut de l'amazighe en tant que langue officielle en l'institutionnalisant et en en faisant une langue de travail dans les différentes administrations et institutions marocaines.

         2.2. La nécessité de traduire en action les efforts investis par l’IRCAM dans la standardisation des différentes variétés de la langue amazighe en utilisant le standard amazighe dans toutes les administrations et dans tous les domaines de la vie au Maroc. L'utilisation de l'amazighe standard sera un moyen d'unifier les différentes variétés amazighes, de faciliter la communication entre les locuteurs de ces variétés, de préserver la langue et de lutter contre son extinction.

         2.3. L’amazighe standard devrait être utilisé dans les tribunaux et devrait être utilisé dans les affaires publiques en général.

         2.4. Maintenant que l'ISO reconnaît la norme amazighe tant au niveau national qu'international, la langue doit être utilisée non seulement comme langue orale, mais aussi comme langue écrite dans les différentes administrations et institutions du Maroc.

         2.5. Le gouvernement doit également investir des efforts pour faciliter l'implantation et la diffusion de la langue et de la terminologie amazighes dans tous les domaines de la vie au Maroc, en particulier dans les domaines de l'éducation, des médias et de l'administration.

3. Pour ce qui a trait à la culture amazighe, une série de recommandations ont également été  présentées, il s’agit, en effet de :

         3.1. Encourager la recherche scientifique dans le domaine du patrimoine culturel amazighe en entreprenant des recherches sur des personnages et personnalités amazighes ayant laissé leur empreinte sur l'histoire du Maroc et en les incluant dans les programmes d’enseignement.

         3.2. Accorder un intérêt particulier au patrimoine culturel oral en tant que moyen de conserver la civilisation amazighe, d’autant plus que la langue amazighe souffre du manque de ressources écrites.

         3.3. Préserver le patrimoine culturel matériel du bâti amazighe.

         3.4. Intégrer certains monuments, sites et bâtis amazighes dans les cartes touristiques culturelles afin de favoriser la promotion de l’économie locale.

         3.5. Sensibiliser les institutions de la société civile à l’importance du tourisme culturel et à la protection des monuments et à leur préservation.

         3.6. Protéger du patrimoine amazighe contre le pillage et la contrebande.

         3.7. Célébrer le nouvel an amazighe chaque année le 14 janvier et le considérer comme un jour férié légal.

4. En matière d’éducation, les recommandations ont porté sur :

         4.1.    Généraliser l'enseignement de l'amazighe à tous les niveaux de l'enseignement sur la base d'un plan d'action clair et d'un programme précis.

         4.2.    Fournir suffisamment d'enseignants formés et de formateurs.

         4.3.    Enseigner la langue amazighe avec son système d’écriture : le tifinaghe.

         4.4.    Poursuivre les efforts en vue de la standardisation de la langue à travers un modèle respectant les variations dialectales et assurant une intelligibilité mutuelle.

         4.5.    Fournir des programmes d'alphabétisation amazighe pour adultes.

         4.6.    Promulguer des lois protégeant et promouvant la langue amazighe dans l'éducation.

5.    En ce qui concerne le niveau du rayonnement et du partenariat, il est proposé de :

         5.1.    Développer une stratégie de coopération entre l’IRCAM et les départements concernés par l'amazighe en vue d'introduire l'amazighe dans les différents services publics.

         5.2.    Parrainer les associations culturelles qui investissent des efforts dans la promotion de la culture et des arts amazighes.

         5.3.    Inclure le Prix de la Culture Amazighe dans les programmes des départements concernés, tels que ceux du Ministère de la Culture.

         5.4.    Intégrer la promotion de la culture amazighe dans les programmes culturels des collectivités locales et des régions dans le cadre de la régionalisation étendue.

         5.5.    Respecter le volume horaire légal de 30% de diffusion en amazighe par toutes les chaînes de télévision et les canaux de radiodiffusion.

         5.6.    Réserver une partie des programmes des médias nationaux à la langue et à la culture amazighes.

         5.7. Inclusion des modules sur la langue et la culture amazighes dans les programmes de formation des institutions concernées par les médias.

         5.8. Recruter du personnel connaissant bien la langue et culture amazighes dans les structures de communication des différents départements du Gouvernement.

 

 

 

Cette visite, qui a coïncidé avec l’ouverture des travaux des journées d’étude sur la créativité féminine organisées par le Centre des Etudes Anthropologiques et Sociologiques de l’IRCAM (synthèse des travaux ici), s’est clôturée par la rencontre de Madame la Rapporteuse spéciale avec Mesdames  Fatiha Cheikh, Habiba Lhou et Rkiya Talbensirt auxquelles l’IRCAM a rendu hommage pour leur créativité et leur apport à la promotion de la culture amazighe respectivement dans le domaine de la création vestimentaire traditionnelle amazighe du Nord, du tissage du Centre et de la chanson amazighe du Sud.